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♪♠○ LE TEMPS DES CERISES ○♠♪
24 novembre 2008

Il était une fois...

          Il était une fois un oiseau qui, par un malheureux coup du sort, tomba sous le charme d'un poisson. Cet oiseau un peu idiot était une hirondelle maladroite qui laissait parfois ses plumes dans les branches d'arbres en les frôlant de trop près. Ce genre d'incident lui arrivait souvent car l'hirondelle souffrait d'une curieuse difficulté à évaluer les distances entre chaque chose du monde physique. Les arbres par exemple lui paraissaient toujours plus loin qu'en réalité. Aux yeux des plus méchants, elle n'était qu'une empotée dont ils aimaient se moquer quotidiennement. Aux yeux des plus compatissants, elle apparaissait comme une jeune hirondelle touchante à qui ils auraient bien offert une paire de lunettes, si les oiseaux avaient pu en porter.
Un jour qu'elle voletait dangereusement près d'un étang, elle fût violemment percutée par une abeille pressée d'aller butiner les fleurs ; c'était la belle saison. L'hirondelle volait toujours en regardant ailleurs qu'en face d'elle, ne prêtant guère attention aux autres créatures ailées, elle passait son temps à présenter des excuses à celles qui lui rentraient dedans et qui se trouvaient toujours trop loin ensuite pour les entendre. Pourquoi s'attarder sur un oiseau stupide qui s'excuse à longueur de temps? Et la pauvre hirondelle enchaînait excuse sur excuse, tous les jours, quel quotidien merveilleux!
Ce fameux jour donc où l'abeille lui rentra dedans, elle fût tellement déboussolée qu'elle perdit l'équilibre et termina sa chute dans les roseaux qui bordaient l'étang. Le bec dans l'eau, elle aperçut un poisson qui la regardait les yeux écarquillés.
Instant de consternation.
L'hirondelle était émerveillée par la beauté de ce poisson qui l'observait éberlué, tellement qu'elle faillit se noyer. Elle sortit brusquement la tête de l'eau pour reprendre son souffle, scruta la surface de l'étang pour y voir le charmant poisson. Il continuait de la regarder, avec ses yeux ronds comme deux billes. L'hirondelle n'avait jamais vu un poisson aussi beau! Ses écailles d'un rouge flamboyant comme le soleil au crépuscule. Elle se sentait bien fade en comparaison! Elle qui n'était faite que de blanc et de noir. Lorsque le magnifique poisson de feu disparut dans les profondeurs de l'étang, l'hirondelle sortit de sa rêverie puis déploya ses ailes pour retourner perturber la circulation aérienne.
L'hirondelle passa les jours qui suivirent à se promener près de l'étang dans l'espoir d'y revoir ce poisson dont elle ne pouvait plus retirer l'image de sa tête. C'est ainsi que s'écoula tout l'été. Pas une fois l'hirondelle n'eût la chance d'entrevoir le poisson rouge feu. L'automne arrivait, et c'est le cœur gros que la maladroite hirondelle dû suivre ses congénères vers les pays chauds pour y passer l'hiver. Jamais un hiver ne lui parût si long! Elle ne rêvait que d'une seule chose : que le printemps arrive pour retourner près de cet étang merveilleux où vivait le poisson aux écailles de rubis.
Quand enfin la douceur du printemps se fit ressentir, l'hirondelle catastrophe pressa ses compagnons de voyage pour repartir. Pour la première fois, elle vola en tête du groupe, ce qui gêna beaucoup  les habituels capitaines d'expédition et qui fût également fatal à certains coureurs du peloton qui servirent d'amortisseurs et d'airbag aux éternels chutes et accidents de la maladroite hirondelle amoureuse. L'amour la rendait en effet  plus dangereuse ; elle était encore plus étourdie qu'en temps normal!
Après plusieurs jours de vols, quelques morts et beaucoup de blessés, les oiseaux migrateurs arrivèrent à destination. L'hirondelle amoureuse se précipita au bord de l'étang. Elle se posa sur un petit roseau et fixa l'eau verdâtre. Elle resta des jours et des jours à observer l'eau qui ne laissa pas paraître la moindre écaille rougeoyante. Pas le moindre reflet. Pas la moindre étincelle. Pas la moindre trace du poisson qui l'avait envoûtée un an auparavant.
Au bout d'une quinzaine de jours, l'hirondelle en eût assez d'attendre qu'il se montre, et décida alors naïvement de partir à sa recherche dans ces eaux troubles qui ne l'inspiraient guère. Elle savait très bien qu'il lui était impossible de vivre sous l'eau, d'y respirer pour en avoir déjà fait l'expérience. Mais malgré ce handicap, elle plongea la tête la première. Lorsque le souffle lui manquait elle refaisait surface, prenait une grande inspiration et repartait sans attendre dans les entrailles d'un monde dont elle ignorait tout. Cela dura plusieurs jours, mais sans aucun résultat.
Une nuit, portée par le désespoir, l'hirondelle plongea une dernière fois dans l'étang qui avait revêtu son manteau étoilée, pâle copie du ciel qui scintillait de mille diamants. L'hirondelle était si triste ; le poisson qu'elle aimait ne se trouvait nul part! Elle avait portant cherché partout ! Dernière chaque végétal, sous chaque rocher, entre chaque branche d'arbres fatigués qui se laissaient tomber dans l'eau, partout. Il n'était nul part. L'hirondelle se sentit envahir par le désespoir et la tristesse.
Aveuglée par son chagrin, elle se laissa couler. Elle s'enfonçait, comme aspirée par le fond. Elle n'avait pas la force d'user de ses ailes pour remonter vers la surface. Alors que son cœur se serrait, elle sentait l'eau devenir de plus en plus froide. Elle se sentait étouffer. Elle pensa encore une fois à ce poisson merveilleux,  et c'est le cœur flamboyant comme le soleil qu'elle se noya dans les profondeurs glaciales de l'étang.

Cerises_4

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P
quelle plus belle preuve d'amour que de mourir pour, au nom, et en pensant à notre moitié qui fait notre tout?
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