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♪♠○ LE TEMPS DES CERISES ○♠♪
3 septembre 2008

Prologue

J’ai repris le large. J’ai à nouveau levé l’ancre. Je suis repartie pour du nouveau. Tout est nouveau. Le lieu. Le temps. Les gens.

Et moi.

Mais je ne dois pas oublier tout ce chemin déjà parcouru. Je ne dois pas oublier tous ces lieux déjà découverts et connus. Je ne dois pas oublier tout ce temps déjà écoulé. Je ne dois pas oublier tous ces gens rencontrés. Je ne dois pas oublier ce que j’étais.


           Alors je ferme les yeux et je les revois. Je les revois. Je revois la petite école. L’école privée. Je revois ma maison. Et celles de tous ceux chez qui je suis allée. La sienne. Je revois la campagne verdoyante que j’ai parcourue tant de fois à vélo et à pieds. Je revois mes voisins et voisines. Je revois le collège. Je revois cette ville où j’allais traîner avec mes amis. Je revois toutes ces rues. Je revois les stades. Les terrains de basket. Toutes ces joueuses. Adversaires ou partenaires. Je revois toutes ces cours de récréations. Je revois toutes ces heures consacrées au savoir et à l’instruction. Je revois tous ces cours. Toutes ces pages aux lignes remplies de mots manuscrits. Je revois tous ces kilomètres accumulés pour se rendre au lycée. Je revois ce bâtiment. Je revois l’internat. Toutes ces marches à gravir. Mon sac plein. Ou parfois vide. Je revois cette salle de permanence. Je revois ces salles de classe. Je revois ces bars. Je revois ces salles de concert. Je revois tous ces lieux que j’ai fréquentés.

            Je revois tout ce temps passé à vagabonder dehors. Je revois la première fois que maman m’a autorisée à sortir tard. Je revois ma première infraction au règlement. Je revois ma première punition. Qui m’avait parut tellement injuste. Je revois tout ce temps passé à regarder la télé. Les épisodes du Caméléon. Tous ces dessins animés. Tous ces films violents interdits aux jeunes enfants. Je me souviens de tout ce temps passé à jouer sur la cour de l’école. Tous ces jeux inventés. Tous ces jeux dont nous seules connaissions les règles. Je me rappelle mon premier retard au collège. Cette première demi-heure parce que le car nous avait oubliés. Je me rappelle le temps accordé au sport. Au basket. Je me rappelle de tous ces entraînements. De tous ces matchs. De tous ces tournois. De ces grands panneaux où les secondes défilaient comme un compte-à-rebourd pour nous signifier qu’il fallait se défoncer sur le terrain. Je me rappelle mes premières courbatures. Je me rappelle ce temps passé dans des salles de concerts. De ces acclamations. Je me rappelle des oreilles qui bourdonnent. Je me rappelle l’euphorie. Je me rappelle de mon premier séjour aux urgences. Je me rappelle tout ce temps gaspillé en salle de permanence. Je me rappelle ces heures à faire valider. Ces nuits dans un lit trop petit. Et de cette échelle aux barreaux branlants. Je me rappelle ces heures de sortie qui étaient notre dû. Ces instants passés dans les bars. Ces moments dans les parcs. Ces passages sur la place Nap’.

          Je revois tous ces gens avec lesquels j’ai découvert tous ces lieux. Avec lesquels j’ai partagé tout ce temps. Je me rappelle des maîtres et maîtresses d’école. Ceux aux grands yeux et qui grondaient fort. Ceux qui faisaient peur. Ceux qui étaient si gentils. Je me rappelle de tous mes camarades de classe. Ceux qui m’embêtaient parce que j’étais toute petite. Ce petit garçon qui se prenait pour Sangoku. Cette gamine qui mangeait du sable. Celles avec qui je jouais sur la cour. Celle qui était ma voisine et ma meilleure amie. Mais qui m’a tourné le dos un jour sans que je sache pourquoi. De ses amies qui m’ont fait la misère. Je me souviens de ces deux gamines qui se ressemblaient tant. Mais que je distinguais si bien. Je me souviens de cette équipe de basket avec laquelle j’ai joué pendant cinq ans. Je me souviens de toutes ces partenaires, qui changeaient parfois. Je me rappelle ces victoires. Mais aussi de ces défaites si nombreuses. Je me souviens des moniteurs. Des entraîneurs. Je me souviens de cette classe. Et de celle-là aussi. Que j’ai détestée. Je me souviens de ces gamines qui m’avaient fait pleurer tous les soirs pendant deux mois de suite. Je me souviens de ce nœud dans le ventre. De ce poids sur l’estomac. Je me souviens de ce soulagement le dernier jour de l’année scolaire. Je me souviens de cette autre classe. Celle-là que j’ai adorée. Je me souviens de ces élèves que j’ai tant aimés. Et que j’adore encore. Je me souviens de ce voisin avec qui j’aimais rire. Et dont j’aimais encore plus le sourire. Je me souviens de ce garçon avec qui je riais plus qu’avec n’importe qui. Je me souviens de ces filles que je n’ai jamais lâchées. Je me souviens du brevet. De ce garçon arrivé en retard sans même un crayon. De cet autre qui m’avait appelée « Madame ». Je me souviens de mon premier chagrin d’amour. Je me souviens aussi de l’inquiétude lorsqu’il a fallu tout quitter. De ce cœur qui bat la chamade. Je me souviens de toutes ces nouvelles têtes. Je me souviens de cette première colocataire si particulière. Je me souviens de son rire. Et de nos histoires délirantes. Je me souviens m’être cognée un nombre incalculable de fois contre les barreaux du lit. Je me souviens de ces autres filles avec lesquelles on passait tout notre temps. Je me souviens de cette autre-là qui nous considérait comme indignes d’elle. Je me souviens de cette discussion qui mit fin à notre relation. Je me souviens de ce jeune garçon si bizarre et si difficile à cerner. Et de cet autre-là si gentil et si calme. Tellement calme. Trop calme. Je me souviens de cet été. De ces quelques jours à la plage. Je me souviens de cette rentrée dans la filière qui était la mienne. Je me souviens de cette fille qui dormait en cours de français à côté de moi. De ce garçon qui allait toujours à la fenêtre. De cette fille aux « bisous ventouse » que j‘appelais à l’occasion « ma lesbienne ». De ce garçon qui chantait en cours. De ces trois filles que presque personne n’aimait. De cet autre garçon mélomane. Des ces gens qui s’amusaient à faire des blagues les plus cyniques possible. Je me souviens de ces photos prises furtivement en cours. De celles qui étaient floues parce que j'avais failli me faire choper. Je me souviens de ce professeur auquel on avait offert un rosier. De cet autre professeur qui m’avait offert une craie. De cette autre-là qui marchait si bizarrement que l’on jurait qu’elle allait se casser la figure contre l'estrade. Et qui avait un cheveux sur la langue. Je me souviens de tout ce que l’on aurait pu donner rien que pour participer aux cours de cet autre professeur-là. Je me souviens de ces encouragements. De ces félicitations. De ces mauvaises notes aussi. Je me souviens de cette autre colocataire. Cette fille qui parlait en onomatopées. Et qui me faisait rire même quand le cœur n’y était pas. En toutes circonstances. Je me souviens de cette autre fille si gentille avec un cœur gros comme ça. De celles-là aussi avec lesquelles on riait bien, malgré les différents. Je me souviens des deux heures pendant lesquelles je laissais libre court à mon imagination en compagnie de ces gens-là. Je me souviens de nos « pulsions littéraires refoulées » que l’on cherchait à sublimer. Je me souviens de la façon dont on se laissait complètement aller. Ce goût de liberté.

          Je me souviens de ces soirées passées avec eux. De toutes ces photos prises. Plus ou moins à leur insu. Je me souviens de ces éclats de rire. De ces repas tellement animés. De ces allers retours en voiture. De ces rendez-vous ratés. De ces rassemblements ridicules pour danser sur de la « techtonik ». La manière dont on se moquait de ces gens-là. Je me souviens aussi de ces courses par peur de rentrer en retard. De cette lassitude de ne voir que les mêmes endroits. De tous ces commérages. De toutes ces rumeurs. De ces douches insupportables. De ces murs en structure carton. De ces lumières émanant des bâtiments d’en face que l‘on apercevait de la chambre. De ces nuits passées à essayer de dormir à deux dans un lit une place. De ces quelques accords de guitares. De ce sentiment de soulagement lorsqu’un examen blanc venait de se terminer. De ces regards en direction des gens. Plus ou moins discrets. Des ces autres regards perdus. De ce vent glacé qui nous fouettait le visage alors que l’on marchait dans les rues. De ces chocolats chauds pris dans un bar. De ces rares chutes de neige. De l’émerveillement éprouvé lorsque cela se produisait. De ce sentiment de retomber en enfance. De la peur ensuite de devoir se débrouiller pour rentrer si le verglas des routes ne fondait pas. De la brise tiède qui nous apprenait à deviner la fin de l’année qui se rapprochait doucement. Du retour du soleil. Et comment les élèves se précipitaient sur la passerelles pour en profiter. L’impression d’être à la plage, mais pas pour les bonnes raisons. Je me souviens de tous ces gens que l’on croisait sans le vouloir. Des cœurs brisés. Des fous rires. Des trois pas en avant. Et des deux autres en arrière. Je me souviens de tous ces moments passés. Je me souviens de tous ces instants qui me semblent tellement importants à présent. Je me souviens de ces années achevées. Je me souviens du rythme avec lequel notre vie était animée. Je me souviens de tout ça.

 

Et surtout, surtout, je me souviens d’eux.

Maintenant que je suis de retour dans mon présent. Maintenant que tout cela est fini. Terminé. Bouclé. Je suis prête pour d’autres lieux. Pour d’autres moments. Pour d’autres personnes.
Et mes souvenirs classés dans un album photos. Mes souvenirs à conserver jalousement.
L’album est incomplet cependant. Il me reste encore de la place. Beaucoup de place. Tellement de place.

 

Et je me souviens d’eux.

   

 

Mon univers étriqué de quatorze ans à dix-huit ressemblait à ça.

Cerises_4


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Commentaires
S
Bonjour le blog.<br /> Encore un bon article comme tout le temps. Continuez comme cela c'est un grand plaisir de vous relire.<br /> A très prochainement et une excellente année 2011 !
G
eh bah dis donc ça en fait des souvenirs,je n'ai perdu mon temps a lire tout ca c'est très joli vraiment ^^
P
joli prologue petite nevrosé du crayon...
♪♠○ LE TEMPS DES CERISES ○♠♪
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